L’Architecture dans l’une de ses approches fondamentales, la plus pratique pour notre corps, a son histoire tissée en étroites relations avec les éléments qui composent son environnement. La dimension atmosphérique est l’une de ces composantes qui rentrent en corrélation avec nos réactions physiologiques. Transpiration, frissonnement, grelottement, sensation de chaleur forment des sensations que l’on souhaite généralement éviter à l’intérieur de nos espaces de vie.


Deux documents PDF synthétiques et complets téléchargeables à la fin de l’article !


À une époque où la climatisation mécanique est à la mode. Où les problématiques des périodes de fortes chaleurs sont de plus en plus fréquentes, intenses et prolongées dans un contexte de crise climatique et énergétique. Il me semble crucial que chaque acteur du monde de l’architecture soit conscient qu’il est possible de concevoir en pleine considération du confort thermique sans passer par des moyens mécaniques énergivores et polluants. Dans l’histoire de l’architecture, et partout à travers le monde, de nombreux exemples d’architecture qui s’adapte à des conditions de chaleur plus ou moins extrêmes existent. C’est de ce constat que je vous présente un condensé des solutions architecturales qui existent pour lutter contre ce phénomène.

De plus, on peut critiquer architecturalement ces vilains blocs de climatisation exposés sur des façades d’immeubles ou de maisons neuves, où des toits « plats » peuvent être le lieu d’exposition de ces systèmes mécaniques actifs au lieu d’être des toits-terrasses conçu pour être un espace de vie à part entière.

Sommaire de l'article

I. Les phénomènes amplificateurs de chaleurs

Petit rappel de quelques notions fondamentales à ce sujet.

1. Le rayonnement solaire

« Le rayonnement solaire est l’ensemble des ondes électromagnétiques émises par le Soleil.

Il est composé de toute la gamme des rayonnements, de l’ultraviolet lointain comme les rayons gamma aux ondes radio en passant par la lumière visible. Le rayonnement solaire contient aussi des rayons cosmiques de particules animées d’une vitesse et d’une énergie extrêmement élevées. Une partie de ce rayonnement est filtrée par la couche d’ozone avant d’atteindre la troposphère. Via la photosynthèse il est nécessaire à la plupart des espèces qui vivent sur la Terre. »

2. L’effet de serre

C’est un processus naturel résultant de l’influence de l’atmosphère sur les différents flux thermiques contribuant à la conservation et l’élévation des températures à l’échelle planétaire ou d’un lieu particulier mis sous cloche, recevant continuellement un nouvel apport de chaleur. Également, plus un climat est humide, plus cet effet est amplifié.

3. L’échauffement et la combustion d’un matériau

Ils sont le résultat d’une réaction mécanique ou physique influé à une matière afin qu’elle subisse une réaction exothermique d’oxydoréduction. Lorsque la combustion est vive, elle se traduit par une flamme ou une explosion (déflagration, voire détonation si le front de flamme dépasse la vitesse du son). La combustion de la biomasse et des carburants forment les principales sources de pollution de l’air, avec des effets néfastes pour la santé.

4. L’inertie thermique d’un matériau

« L’inertie thermique d’un matériau représente sa résistance au changement de température lorsque intervient une perturbation de son équilibre thermique.

Lorsqu’un matériau se trouve à l’équilibre thermique, sa température est fixe et les échanges de chaleur (par conduction, convection, rayonnement) qu’il entretient avec son environnement sont équilibrés (autant de chaleur reçue que de chaleur cédée). Lorsqu’une perturbation thermique l’amène vers une nouvelle température d’équilibre, l’inertie thermique est mise en évidence par le temps nécessaire pour atteindre ce nouveau point d’équilibre : si le matériau a une faible diffusivité thermique, il atteindra le nouvel équilibre au bout d’un temps long, si à l’inverse elle est élevée, il l’atteindra au bout d’un temps bref. » -Wikipédia

Ce temps d’inertie peut ainsi former une source de chaleur durant le temps avant qu’il atteigne sa température d’équilibre.

5. Une personne dans un espace représente un radiateur de 100 watts. En plus des appareils internes qui chauffent

Chaque individu, avec les appareils comme les frigos, cuisinières, bouilloires, ordinateurs, etc. Forment des sources de chaleur.

6. La chaleur est une sensation. L’habillement, l’activité et le stress modifient ce ressenti. Des réponses comportementales sont possibles

La sensation de chaleur n’est pas seulement le thermomètre. Notre physiologie, nos vêtements, notre niveau d’hydratation, notre activité et notre état d’esprit et corporel sont des recours adaptatifs à notre environnement et jouent sur notre ressenti.

II. Les solutions architecturales

1. Le plan, la morphologie et l’organisation des espaces

Des notions de postures de l’implantation des bâtis servent de première forme de gestions de la température des espaces. L’orientation, par la polarisation Nord et Sud, la localisation des différentes fonctions et la forme organisationnelle des activités d’un bâtiment sont les approches les plus globales qui permettent l’entrée dans la réflexion du maniement de la chaleur.

2. Penser l’enveloppe du bâtiment

Dans la conception des façades, la transparence, les porosités et la solarisation par les surfaces vitrées sont des points charnières de la réflexion thermique pouvant varier suivant les variations d’un climat entre les saisons estivales et hivernales. Optimiser la taille des baies, l’apport de la lumière à l’intérieur et le choix de protections solaires efficacement maîtrisées. Les variations de ces points permettent en parallèle de jouer sur les lectures architecturales des façades des bâtis.

3. La toiture, porte d’entrée principale de la chaleur solaire

L’importante surface que peut représenter une toiture exposée aux coups de soleil en journée en fait, pour une grande partie des cas, la première paroi d’absorption du rayonnement par un bâtiment. Ainsi des variations telles qu’un doublement de toiture, une couleur claire, une bonne isolation, un matériau avec une bonne inertie thermique et un large débord de celle-ci forment diverses solutions pouvant pondérer l’entrée considérable de la chaleur durant les journées les plus chaudes, afin d’éviter la surchauffe interne.

4. Les fenêtres forment un second point d’entrée important

Les grandes surfaces vitrées sont sûrement le plus grand fléau qui a amené à la culture systématique de la climatisation pour disposer d’un confort thermique adéquate dans des buildings entièrement couverts de verre. Loin de moi l’envie de cracher sur l’art des modernistes ou sur la beauté et l’élégance des surfaces transparentes, mais il est certain qu’il y a eu un moment de bascule sur l’appui généralisé des solutions mécaniques, une pensée déconnectée de phénomènes physiques élémentaires auxquelles font face continuellement nos abris de vie.

Ainsi, penser le dimensionnement des baies, suivant leur orientation, le travail de casquettes, brise-soleil et de battants orientables à souhait formes de nombreuses solutions de maîtrise de l’apport solaire, et donc de l’apport de chaleur au cœur d’un bâtiment.

4. L’inertie des parois

Le système constructif des parois entre l’intérieur et l’extérieur d’un bâtiment à son impact. L’inertie thermique des flux de chaleur et le déstockage nocturne permettent de freiner l’arrivée du transfert de chaleur par les murs, afin que l’énergie accumulée dans sa matière rayonne en dehors des heures les plus chaudes grâce à son temps de déphasage. Choisir des matières qualitatives, notamment avec un faible coefficient de conductivité thermique permettent une bonne gestion du flux de chaleur… Ainsi, les masses thermiques qui emmagasinent de la chaleur le jour par le soleil, la restituent seulement la nuit durant les périodes les plus fraîches.

Je vous mets à disposition une liste qui regroupe les coefficients de conductivité thermiques de plusieurs matières utilisées dans la construction: http://blogs.paysmellois.org/terrecrue/public/materiaux.pdf

Ces coefficients sont le fruit d’étude faite sur chacune des matières, et servent ainsi à calculer la résistance thermique (R) égale à l’épaisseur (e) du mur diviser par ce coefficient (λ). R = e/λ

Une autre notre notion à prendre en compte: la porosité. Plus un matériau l’est, plus il a une capacité d’absorption de l’humidité. Ainsi, lors de l’évaporation d’une humidité partiellement capturée, un changement de phase à lieu permettant de contribuer à une sauvegarde de la fraîcheur. Par exemple, la brique et la terre crue sont considérées comme poreuses a contrario de la pierre et du béton; autrement dit, ce sont des matériaux qui « respirent ».

5. Les courants d’air, de puissants alliés !

Le plaisir d’une bise fraîche au milieu d’un temps chaud et sec, un plaisir certain. Comme pour manipuler la lumière, l’architecte peut manipuler le vent, en tout cas, il peut maîtriser la circulation de l’air interne à son édifice ! Il existe différents types de dispositions qui activent la ventilation naturelle, tout est une histoire de disposition des ouvertures, traversant, en cloître, l’ouverture zénithale, la tour à vent… Ce sont des moyens d’évacuer l’air chaud, qui monte a contrario des flux d’air les plus frais qui se retrouvent au plus bas, pour les plus incultes d’entre vous.

Les effets d’apport de fraîcheur des flux d’air entrants peuvent être améliorés à l’aide de bassins ou de fontaines par exemple, à l’entrée d’une des ouvertures où l’air s’engouffrera. Au même point, de la végétation et un espace fortement ombré peuvent avoir un effet rafraîchissant également.

6. L’environnement proche: la végétalisation

Les masses végétales forment des lieux où la fraîcheur peut-être sauvegarder, en quantité ou partiellement. D’un bâtiment qui longe une forêt à une étendue de lierre, en passant par un patio arboré peuvent former de sérieux atouts de confort, encore faut-il avoir la maîtrise de l’art de l’organisation spatiale du bâtis comme on a pu le voir pour sur le point n°1.

7. L’environnement proche: l’eau

Comme pour son acolyte la végétation, les mises en œuvre dédiées à l’eau, suivant leurs dispositions et leurs échelles peuvent abaisser la sensation de chaleur. Fontaines, bassins, piscine, brumisation… L’eau peut être le point d’orgue d’un projet.

Institut indien du management (1962-1974) à Ahmedabad, Inde, par Louis Kahn.

8. La couleur du revêtement

Une marge de manœuvre sur la limitation ou l’emmagasinement de la chaleur peut se faire par la simple capacité des couleurs qui sont capables de plus ou moins absorber les rayonnements. Du noir absorbera grandement l’ensemble du spectre lumineux accumulant de la chaleur tandis que le blanc, contrairement à son opposé chromatique, va réfléchir une grande partie du rayonnement telle une barrière à la chaleur.

Les maisons d’une partie des côtes méditerranéennes grecques en sont un exemple phare de cette capacité adaptative.

Église au village Oia à Santorini, Grèce. Photographe: Raimond Klavins.

9. Les solutions technique à faible consommation

Il existe des systèmes mécaniques peu gourmand en énergie et quasiment nul en termes de pollution. Le puits canadien ou le géocooling est sûrement l’un des plus emblématiques. Il permet de conduire de l’air extérieur par un réseau en sous-sol rafraîchissant par son passage dans la terre l’air jusqu’à son arrivée dans la maison. Les brasseurs d’airs comme les ventilateurs ou les VMC double flux peuvent devenir une éventuelle alternative, que je mettrais personnellement en dernier recours.

10. Les charges internes, l’ultime recours !

Ce dernier point est plutôt l’affaire des usagers, et du coup moins maîtrisable par l’architecte. Il consiste à modérer la densité d’occupation d’un lieu par des individus ou des équipements rayonnants de la chaleur, et également limiter les actions échauffantes pour le corps ainsi que les activités physiques intenses. En sommes, maîtriser sa propre régulation corporelle et l’utilisation de nos appareillages énergivores.

À ce niveau, l’architecte peut éventuellement créer des espaces qui invitent à l’apaisement et au ralentissement, des espaces méditatifs ou conçus pour le repos. Penser l’activité au sein des différents espaces.

Quelques documentations et références

Voici un document complet sur le sujet du confort thermique. Sur lequel je me suis principalement référé pour la rédaction de cet article, rédiger par l’association ICEB (Institut pour la Conception Écoresponsable du Bâti): https://www.arec-idf.fr/fileadmin/DataStorageKit/AREC/Etudes/pdf/guide_bio_tech_confort_d_ete_passif.pdf

Une courte BD synthétique sur le sujet: file:///tmp/mozilla_kn0/confort_sans_clim.pdf

Je vous partage également le travail de l’architecte Philippe Rahm qui centre son travail de conception autour des problématiques thermiques des espaces. Vous pourrez retrouver plusieurs de ses projets sur la réflexion de la radiation, la conduction, la convection, la pression, l’évaporation ou encore la digestion…

Voici son site internet: http://www.philipperahm.com/data/evaporation-f.html

Bonne journée !

Sources: Citations de Wikipédia. Dessins tirés de la BD « Rester Cool » d’Alain BORNAREL et Emmanuelle PATTE.

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